Marika and the fox

Ok, j'avoue, je ne connaissais pas Soutine ; l'affiche, "L'ordre du Chaos" m'a interpellée, un peu, j'hésitais. J'aurais pu rater l'expo, rater cet effondrement intérieur entraîné par le trop plein d'émotions des oeuvres qui me bouleversent. Je suis sortie silencieuse, dans cet état qui ressemble à un recueillement. Celui où les sensations s'emmêlent avant que la raison n'y mette un peu d'ordre. Celui qui est parfois gâché par un "alors ça t'as plu" auquel on ne sait trop quoi répondre. Je suis sortie seule et en silence, gardant au fond de moi ces émotions, les éclats de couleur de sa peinture comme imprimés au fond de ma rétine et donnant une nouvelle profondeur à chaque chose du monde.

Chaïm Soutine est un peintre expressioniste russe, né à la fin du 19e et ayant vécu jusqu'au milieu du 20e siècle. Ses couleurs sont incroyables, sa peinture violente, torturée, tourmentée. Il perçoit le monde dans sa violence mouvante ; les choses et les êtres sont chamboulés, éclatants de vie, de la vie qui fourmille partout jusqu'à nous détruire. Le corps de l'homme est pris dans le mouvement vibrant des choses, agressif et magnifique. Tout est touché par la force extraordinaire de la beauté, de la présence particulière des choses au monde. Tout est bouleversé.

Le début de ce blog. Commencer à écrire, mais écrire sur quoi ? Sur ce que j'aime, tout en fouilli, fatras de choses diverses, inconciliables mais réunies quand même...

Pour ce premier article, une artiste que j'ai découvert récemment lors de son expo à la galerie Da-end : Céline Guichard. Ses dessins de corps déchirés, déformés. Le dessin de la maladie. Des fleurs à faire rêver Huysmans. De la chair, flétrie, ouverte. La transgression.

Ses travaux sont visibles en ce moment à la galerie Da-End, Paris :

 Et en bonus, un petit extrait d'A rebours, de Huysmans, que m'ont rappelé ses dessins de fleurs :

"Les jardiniers apportèrent encore de nouvelles variétés ; elles affectaient, cette fois, une apparence de peau factice sillonnée de fausses veines ; et, la plupart, comme rongées par des syphilis et des lèpres, tendaient des chairs livides, marbrées de roséoles, damassées de dartres ; d’autres avaient le ton rose vif des cicatrices qui se ferment ou la teinte brune des croûtes qui se forment ; d’autres étaient bouillonnées par des cautères, soulevées par des brûlures ; d’autres encore, montraient des épidermes poilus, creusés par des ulcères et repoussés par des chancres ; quelques-unes, enfin, paraissaient couvertes de pansements, plaquées d’axonge noire mercurielle, d’onguents verts de belladone, piquées de grains de poussière, par les micas jaunes de la poudre d’iodoforme.

Réunies entre elles, ces fleurs éclatèrent devant des Esseintes, plus monstrueuses que lorsqu’il les avait surprises, confondues avec d’autres, ainsi que dans un hôpital, parmi les salles vitrées des serres."